Du streetwear au screenwear
Offrir aux consommateurs des produits numériques pour enrichir leur vie virtuelle
Un mercredi sur deux, h/commerce vous fournit une analyse approfondie des tendances les plus impactantes qui restructurent le secteur du retail
Aujourd’hui, la mode joue un rôle fondamental dans les expériences en ligne. Un rapport traitant de la “mode digitale” vient tout juste d’être publié par Lyst. Celui-ci analyse comment les plateformes digitales et leur prolifération affectent l’industrie de la mode et les comportements des consommateurs. Le rapport des consommateurs à la mode virtuelle évolue considérablement et cela ne fait aucun doute que la pandémie agit comme un catalyseur sur la transformation digitale du secteur. En effet, depuis l’année dernière, les consommateurs ont été confrontés à plusieurs reprises à l’impossibilité de faire leur shopping librement et de sociabiliser dans les centres-villes. Face à ces contraintes, nous avons tous dû nous adapter et les plateformes sociales se sont révélées être de puissantes alliées pour maintenir ce lien social menacé par les confinements successifs. Les magasins de vêtements, en tant que retailers « non-essentiels » ont dû de leur côté redoubler d’inventivité pour continuer à toucher leur public.
Ainsi, la mode digitale ou virtuelle émerge maintenant sous différentes formes. Elle rencontre un certain succès dans le gaming, mais nous l’apercevons aussi de plus en plus sous un format innovant appelé le « crypto art ».
Les grands de la mode se sont appuyés sur les atouts du gaming pendant la pandémie mondiale
Avant que la crise sanitaire ne survienne, quelques marques du secteur avaient déjà repéré le fort potentiel du gaming. Ainsi, en 2019, Louis Vuitton avait lancé une collection digitale dédiée au championnat mondial de League of Legends. La marque avait ensuite décidé de sortir la ligne de vêtements dans la vraie vie, en magasin.
Plus récemment maintenant, la crise sanitaire a été un réel accélérateur pour la transformation digitale de la mode. Tout au long de la pandémie, les marques les plus célèbres de l’industrie ont fait leur apparition dans les jeux, notamment pour promouvoir leurs nouvelles collections. Ainsi, des évènements ont été lancés sur les plateformes de gaming, notamment les défilés via Twitch, et de plus en plus de vêtements virtuels sont arrivés dans les jeux vidéo.
Burberry, marque déjà familière avec le « retailtainment », a lancé son propre jeu Surf B, en juillet 2020. Il permettait aux joueurs de débloquer des vêtements virtuels à différents niveaux du jeu mais plus globalement, c’était un moyen d’engager la communauté autour de jeux-concours.
Balenciaga, pour sa part, a dévoilé sa collection automne/hiver 2021 sur Afterworld: The Age of Tomorrow. Les utilisateurs pouvaient alors choisir un avatar et naviguer dans le showroom virtuel créé par la marque.

Credits: Lyst
Certains jeux, en particulier les Sims 4 et Animal Crossing, sont devenus de véritables terrains de jeu pour les marques de mode.
Par exemple, en Octobre 2020, Gucci a lancé sa nouvelle collection prénommée « Off The Grid » sur les Sims 4.
Par ailleurs, différentes marques, comme Marc Jacobs et le retailer Gémo, ont été aperçues dans Animal Crossing : New Horizons, véritable phénomène pendant le premier confinement.
En 2021 maintenant, la marque polonaise MISBHV a même fait son incursion dans Grand Theft Auto (GTA). C’est la première marque de mode à avoir intégré ce jeu à succès.

Credits: Lyst
L’intérêt d’adopter cette stratégie pour les marques est avant tout d’augmenter considérablement leur taux de search. Comme les joueurs ont tendance à s’identifier à leurs avatars, portant les vêtements de grands noms de la mode dans les jeux, ils finissent par vouloir obtenir ces vêtements dans la « vraie vie ».
La mode digitale semble avoir un bel avenir devant elle, et quelques marques sont déjà allées beaucoup plus loin !
NFT : d’un placard à un dressing digital ?
Et si les vêtements virtuels n’étaient plus seulement dédiés aux avatars dans nos jeux vidéo mais accessibles à n’importe qui dans la vraie vie ? Comme évoqué plus tôt, jusqu’à maintenant les vêtements virtuels étaient plutôt de l’ordre du gaming, mais pas vraiment une technologie pour la vie réelle.
Une des premières entreprises qui a fait l’expérience de la mode virtuelle mais cette fois-ci dans « la vie réelle » est Carlings. En 2018, la marque suédoise a lancé sa première collection digitale. Pour environ 10 euros, les pièces achetées étaient directement adaptées aux photos Instagram des acquéreurs sans aucune version matérielle du vêtement disponible. Tous les bénéfices étaient ensuite reversés à l’association WaterAid. L’idée est venue de deux sujets importants pour la marque : freiner la surconsommation et répondre à l’enjeu que représente le développement des réseaux sociaux. Sur son eshop, on pouvait lire : « Soyez créatif sans laisser une empreinte négative sur le monde ». En effet, aujourd’hui, les marques de mode ont souvent recours aux influenceurs pour promouvoir leurs nouveaux produits, mais ces derniers portent en général le produit une seule fois avant de s’en débarrasser. Passer aux vêtements numériques pour ce genre d’activité est aussi un moyen de tirer la sonnette d’alarme au sein de l’industrie textile.
En ce moment, une nouvelle obsession fait exploser la tendance de la mode virtuelle : ce sont les NFT ou plutôt les « Non-Fungible Tokens ». Ce concept a été inventé par Dieter Shirley en 2017. Le magazine Futura Sciences décrit les NFT en ces termes : « Les ‘Non fungible tokens’ (NFT), que l’on pourrait traduire par ‘jetons non fongibles’, sont des éléments cryptographiques et virtuels sur la blockchain avec des codes d’identification uniques et des métadonnées (auteur, signature, date, type…) qui les distinguent les uns des autres. Un NFT est unique, comme peut l’être une œuvre d’art. Il n’y a qu’une Joconde ou qu’un manuscrit des Fleurs du mal, et c’est la blockchain qui permet de certifier le caractère unique d’un NFT, et ainsi d’en garantir l’authenticité à son futur acquéreur. »
Ces derniers temps, la naissance du “crypto art” a attiré l’attention de différentes industries sur les NFT et particulièrement l’attention du secteur du luxe. Comme il existe une spéculation importante autour de la rareté des jetons, les NFT sont envisagés comme une bonne opportunité pour les marques de mode, notamment pour toucher de nouveaux consommateurs.
Par le biais de cette nouvelle technologie, Gucci vient juste de lancer une paire de sneakers virtuelle sous le nom de ‘Gucci Virtual 25’ en partenariat avec Wanna, une entreprise biélorusse spécialisée dans la réalité augmentée et le vêtement. Une fois l’achat effectué, les propriétaires peuvent donc essayer leur paire virtuellement (via des applications comme VR Chat ou Roblox) mais pas dans la vraie vie.
Chaque paire de sneakers est unique mais vendue néanmoins au prix très raisonnable de 10 euros. L’objectif de Gucci est finalement de toucher la Gen Z, friande d’articles de luxe et de nouvelles technologies mais bien souvent incapable d’acquérir de vrais produits de luxe. Généralement, les NFT atteignent des montants exorbitants mais ce produit de Gucci reste abordable pour justement étendre son offre et son impact à un public plus large.


Credits: WashingtonPost
Ce n’est pas la première fois que la marque de luxe se lance dans une telle innovation. En effet, plus tôt cette année, la marque a dévoilé sa ligne réalisée en collaboration avec North Face pour le jeu Pokémon Go. Pour l’occasion, les joueurs pouvaient apercevoir des avatars vêtus des pièces issues de cette collaboration lorsqu’ils se trouvaient physiquement à proximité de magasins Gucci.
Une autre marque de l’industrie a tenté sa chance avec les NFT. En février dernier, un trio de sneakers virtuelles est né d’une collaboration entre le studio Rtfkt et la marque Fewocious.
Les sneakers en question ont respectivement atteint les sommes de 3000, 5000 et 10 000 dollars. En seulement sept minutes, 621 paires ont été achetées. A l’instar des chaussures Gucci, celles-ci ont été vendues en tant que NFT, elles ne peuvent donc ni être portées, ni même être touchées.
Cependant, cette stratégie diffère grandement de celle adoptée par Gucci. Dans le cas présent, le partenariat entre les deux acteurs a donné naissance à des produits lancés en édition très limitée et à des prix très élevés via l’exploitation du phénomène de rareté. Cet usage du NFT est plutôt classique et se rapproche davantage de son but premier.

Source: L’Officiel USA
Pourquoi est-ce intéressant ?
Aujourd’hui, la frontière entre le monde réel et le monde virtuel est de plus en plus ténue. Les plateformes digitales se sont révélées être un véritable moyen de maintenir le lien social pendant la pandémie.
De nos jours, les jeunes générations ont besoin de produits, et particulièrement de produits vestimentaires, pour s’exprimer dans leur vie réelle mais aussi dans leur vie virtuelle. Comme les marques s’appuient sur la réalité augmentée, ces objets virtuels ont aussi des vertus écologiques et inclusives. Effectivement, cette digitalisation des objets permet de réduire drastiquement les déchets et permet, dans le même temps, à chacun d’entre nous d’améliorer notre « vie virtuelle ». Ces nouvelles offres virtuelles s’adressent très clairement à un public d’« early adopters » déjà sensibilisés aux outils digitaux et aux nouvelles tendances.
Comme la vie virtuelle reste assez présente et est destinée à se développer, on peut s’attendre à ce que les retailers d’autres industries, comme les marques de décoration et d’aménagement ou encore les supermarchés, développent aussi des objets virtuels destinés à améliorer notre vie parallèle sur les plateformes.
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Mikaela Barbosa mikaela.barbosa@havas.com
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